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ATFG - Antony

Amis du Théâtre Firmin Gémier

La Vie théâtrale et culturelle en Banlieue Sud

Première parution de ce dossier

Œil de Firmin N° 5

Dom Juan ou le Festin de Pierre de Molière

Montée par Anne-Laure Liégeois

Création du Théâtre Firmin Gémier - Antony - Février 2005

Notre Dossier

·        Interview d’Anne-Laure Liégeois 

·        Interview de Christian Caro, acteur 

·        Critique du Dom Juan de Molière par Eliane Franjou

Affiche Dom Juan de Molière mes Anne-Laure Liégeois Boris Alestchenkoff, Gusman 
Mathieu Besnier, Dom Alonse 
Christian Caro, Dom Juan  
Léonore Chaix, Charlotte 
Mathieu Dion, Pierrot 
Olivier Dutilloy, Sganarelle
Vincent Eyzat, La Violette
Philippe Houriet, Dom Louis  
Anne Le Guernec, Elvire 
Yann Lheureux, Dom Carlos  
François Pick, Monsieur Dimanche 
Sacha Saille, Le Pauvre 
Isabelle Védie, Mathurine
"Est-ce que je vais oser mettre en scène Dom Juan ? "

Anne-Laure Liégeois

Dom Juan sur le site de theatreonline

Anne-Laure Liegeois sur le site de theatre-contemporain

Scene_Dom_Juan
© Christophe Raynaud de Lage

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Interview d'Anne-Laure Liégeois

L’œil de Firmin :
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   Quand le spectacle démarre, ce qui frappe c’est l’aspect visuel qui est perturbant. L’avez-vous choisi  pour provoquer ? Pourquoi avez-vous choisi cette esthétique ?
Anne Laure Liégeois

Je ne cherche pas à provoquer. Comme tout metteur en scène, je cherche d’abord à répondre à la question fondamentale : à quel moment le spectateur doit-il pénétrer dans la boîte noire ? quand le plateau doit-il être dans la pénombre ? L’important était que le rideau s’effondre. Je me trouve devant un

classique,  il fallait donc un vrai rideau de théâtre : le moment du rideau qui tombe oriente tout le spectacle, c’est le ciel qui rejoint la terre, c’est le théâtre dans ce qu’il a de plus représentatif. Le rideau forme au sol le quatrième mur, cet  élément très important de l’espace théâtral. Ce qui m’importait, c’était que le rideau tombe et que derrière on ait une vague de poussière. Car mettre en scène Dom Juan, c’était parler du petit Larousse : à l’école, j’ai l’impression d’avoir étudié pendant toute ma scolarité Dom Juan , Phèdre et Médée. Cet univers poussiéreux est donc important, comme les bancs d’école qui font du bruit quand on les renverse, ceux sur lesquels on est monté quand pour la première fois, on a dit un texte théâtral.  

Les comédiens entrent dans l’espace et n’en ressortent jamais. Petit à petit ils forment le Chœur des Autres, ceux qui vont condamner, ceux qui vont regarder, ceux qui vont être comme des espèces de fantômes, ceux qui sont à l’intérieur de soi et qui nous rongent.

            La scénographie : quand le rideau tombait, la poussière s’imposait, les bancs s’imposaient. Ce qui paraît comme une provocation, c’est cette façon d’aborder le texte, on a un Dom Juan et un Sganarelle dans un rapport d’âge et de physique inversés. J’avais envie de faire durer ce moment. Quoi que puisse dire Aristote, on sait que c’est dans la bouche de Sganarelle. 

             Il était important d’établir tout de suite ce rapport de pédagogie entre Dom Juan et Sganarelle: Sganarelle dit son texte qui lui a été appris par Dom Juan. C’est une leçon, c’est moi recevant l’enseignement de Dom Juan en tant qu’œuvre écrite. Tout ça pour moi s’imposait, donc ce n’était pas de la  provocation, ni les stroboscopes, ni les robes de mariées, ni la couronne d’Elvire. La provocation, c’est une résistance. Je n’ai pas de résistance face au texte.
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   Ce travail visuel est au service du texte qu’on entend extrêmement bien. Par exemple les jeux si signifiants avec le tas de sable qui sert aussi bien à Charlotte pour exprimer son désir qu’à Dom Juan pour humilier le Pauvre. Ces idées définissent-elles  une esthétique et une écriture ?

Ca rentre dans une esthétique. C’est 38 ans d’éducation artistique, c’est 38 ans d’amour de la peinture et de l’architecture.

           Cette pièce jetée par terre n’existe pas dans le texte, mais je voulais finir par un geste très violent. Cette pièce que Dom Juan lance dans le sable, qu’on ne retrouve pas et qui met l’autre à l’état de chien, c’est une violence qui est là. Car avant, l’autre a ressenti une violence beaucoup plus grande face à cet homme qu’il met face à une partie de lui même. C’est la première fois que dans un spectacle je me suis investie aussi personnellement face à des gens tels que l’Abbé Pierre vis à vis de qui je ressens une grande culpabilité. Je suis aussi un peu Dom Juan comme je suis aussi Sganarelle.
Logo ATFG    Comme Molière est un génie, il sait dire tout et son contraire :  on a à la fois le portrait fasciné du grand seigneur libertin athée et le procès du « grand seigneur méchant homme ». Dans le texte, on a les deux, et  il est impossible de savoir si Molière  penche plus pour l’un ou pour l’autre.
Anne Laure Liégeois            J’ai un amour immodéré pour ce texte fort. Tout ce dont je rêvais est là. Quand on commence à travailler on entend les voix des comédiens. Un tel texte est magique. Il y a des brèches partout, on peut s’y engouffrer, on peut être des centaines à le monter, à chaque fois, ce sera quelque chose de différent.
Logo ATFG    Certains soirs, c’est l’aspect noir de la pièce qui l’emporte, d’autres soirs c’est l’aspect comique.  Comment travaillez-vous avec vos acteurs qui s’engagent beaucoup dans ce spectacle ?
Anne Laure Liégeois

Avec le théâtre, c’est ça qui est magique, on est vivant des deux côtés du quatrième mur, c’est vivant sur la scène, c’est vivant dans la salle et entre deux représentations on a déjà vieilli. 
         Je travaille avec des acteurs que je connais dans la vie. Si je ne les connais pas, j’essaie de les connaître, de les voir bouger. J’aime les gens qui dans leur quotidien ont une espèce d’investissement. J’aime les comédiens qui se donnent et qui sont dans la générosité. Je travaille beaucoup avec leur individualité, là où je les cerne dans la vie. J’essaie de leur faire amener sur le plateau ce que je connais le mieux d’eux même. 

           Après il y a un travail de rythme sur la langue. J’ai beaucoup de mal à ne pas entendre les mots,  à ce que les mots n’aient pas un passage particulier dans la bouche, je veille à ce que pas un  mot ne reste petit et mou dans la bouche. j’ai beaucoup de plaisir à entendre la langue.
Interviews réalisés par Christine Louis et J.-L. L..

vendredi 11 février 2005

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Interview express de Christian Caro, acteur

L’œil de Firmin :
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Quel effet cela fait-il de jouer ce Dom Juan dans un registre aussi noir ? Suivant les soirs, la pièce peut-être perçue plutôt tragique ou plutôt comique.
Christian Caro          C’est plutôt agréable et excitant d’aller chercher cette couleur dans ce texte. Il y a plein d’autres choses à faire avec ce texte-la, et c’est intéressant de le creuser.  

         Selon l’écoute et la composition de la salle,  s’il y a plus ou moins de scolaires, les rires sortiront à certains endroits. Inconsciemment on peut être plus ou moins poussé à aller chercher des réactions ; cela dépend aussi de ce que chacun a vécu le jour même ; on arrive chargé de ce qu’on est dans la vie, donc ça tient à très peu de choses pour que ça parte d’un côté ou de l’autre. L’idée était d’arriver à faire ressortir le tragique et le comique  en même temps.

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Critique de Don Juan de Molière

Mise en scène d’Anne-Laure Liégeois

par Eliane Franjou

            C’était Dom Juan de Molière, au T.F.G. du 1er au 11 février mise en scène Anne-Laure Liégeois.

 «  Quoi de  neuf ?  Molière ! » Je sais, je me répète… (voir l’œil de Firmin de janvier 2004 à propos du « Malade Imaginaire »)

On peut effectivement penser que tout a été dit, joué, écrit sur le personnage de Dom Juan, voire sur Molière. Eh bien non ! cette fois encore (340 années exactement après la première représentation)  des gens de théâtre : metteurs(es) en scène, comédiens, musiciens, - dont la plupart sont intermittents - nous ont offert, tout en respectant le texte et le propos de l’auteur, un spectacle original et TRES  dérangeant  qui  nous amène à réfléchir sur la société d’hier et d’aujourd’hui, sur  les rapports homme-femme, la pesanteur de la religion, la domination et l’arrogance des nantis.

Cette pièce a toujours été mise en scène par des hommes (à l’exception de Brigitte Jaques qui avait opté pour une forme plutôt  classique) . En voici donc au T F G une vision féminine. Anne-Laure Liégeois a voulu un Dom Juan, (incarné par Christian Caro) ni beau,  ni jeune, ni charmant. Il est même tout le contraire ! Mais il est – comme toujours -  gentilhomme, insolent, amoral et beau-parleur. Cela suffit, hélas, pour séduire Elvire qui, incapable de supporter la vérité, s’enfermera dans le mysticisme ou la folie. Quant à Charlotte qui rêve de quitter son village et son amoureux maladroit pour devenir « une dame » , c’est bien le gentilhomme qui la séduit et non pas l’homme, et la scène de « séduction » très violente ressemble  plus à un viol qu’à un « marivaudage » (Oui, je sais, Marivaux, c’est plus tard !)

      La mise en scène  dramatise ainsi le propos de Molière sur la condition des femmes, victimes quelle que soit leur origine sociale de l’homme tout puissant. Mais cet homme, Dom Juan, sans cesse à la recherche d’aventures et de plaisirs nouveaux, ne pourra jamais se rassasier. Il le sait et plutôt que d’y renoncer, il choisit de mourir. Alceste, lui, partait « chercher sur terre un endroit écarté où d’ être homme d’honneur on ait la liberté », Scapin demande « qu’on me porte au bout de la table, en attendant que je meure » et Georges Dandin : «  le meilleur parti qu’on puisse prendre, c’est de s’aller jeter dans l’eau, la tête la première » Seul Dom Juan va jusqu’au bout. Molière, un auteur comique ou un auteur désespéré ?

            La mise en scène toute en mouvements et rapidité est dynamisée entre chaque acte par une musique « techno » retentissante, pendant que les comédiens s’agitent comme des marionnettes dans des flashs lumineux.  Peu de décors. Une grande sobriété pour évoquer le tombeau du Commandeur. Quelques provocations de la part de la metteur en scène : par exemple Elvire, dans sa folie mystique, ébauche signes de croix sur signes de croix pendant qu’une auréole faite de petites lumières clignotantes de toutes les couleurs s’allume au-dessus de sa tête…ou bien Dom Juan habillé en femme pédalant à toute vitesse sur un vélo de musculation…

Tous les comédiens sont excellents. Citons Mathieu Dion (Pierrot) ; Léonore Chaix (Charlotte)… Olivier Dutilloy (Sganarelle) est vif, jeune et beau garçon. La metteur en scène, par le choix des deux principaux comédiens, a ainsi bouleversé  nos habitudes. Et c’est tant mieux. C’est lui, Sganarelle, qui tire la morale – ou plutôt l’amoralité de la fable : « Voilà par sa mort un chacun satisfait : Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. »

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© ATFG - Amis du Théâtre Firmin Gémier – Mise à jour du 25  novembre 2007