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ATFG - AntonyAmis du Théâtre Firmin GémierLa
Vie théâtrale et culturelle en Banlieue
Sud
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Première parution de ce dossier Œil
de Firmin N° 5
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Dom Juan ou le Festin de Pierre de MolièreMontée par Anne-Laure LiégeoisCréation du Théâtre Firmin Gémier - Antony - Février 2005 |
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Notre Dossier
· Interview d’Anne-Laure Liégeois·
Interview
de Christian
Caro, acteur
· Critique du Dom Juan de Molière par Eliane Franjou |
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"Est-ce que je vais
oser mettre en
scène Dom Juan ? "
Anne-Laure Liégeois |
Dom
Juan sur le site de theatreonline © Christophe Raynaud de Lage |
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Interview d'Anne-Laure Liégeois |
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L’œil
de Firmin : |
Quand le spectacle démarre, ce qui frappe c’est l’aspect visuel qui est perturbant. L’avez-vous choisi pour provoquer ? Pourquoi avez-vous choisi cette esthétique ? | ||
Anne Laure Liégeois
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Je ne cherche pas à
provoquer.
Comme tout metteur en scène, je cherche d’abord
à répondre à la question
fondamentale : à quel moment le spectateur doit-il
pénétrer dans la boîte noire ?
quand le plateau doit-il être dans la
pénombre ? L’important
était que le rideau s’effondre. Je me
trouve devant un classique,
il fallait donc un vrai rideau de
théâtre : le moment du rideau qui tombe
oriente tout le spectacle, c’est le ciel qui rejoint la
terre, c’est le théâtre dans ce
qu’il a de plus représentatif. Le rideau forme au
sol le quatrième mur, cet
élément très
important de l’espace théâtral. Ce qui
m’importait, c’était que le rideau tombe
et que derrière on ait une vague de
poussière.
Car mettre en scène Dom Juan, c’était
parler du
petit Larousse : à l’école,
j’ai
l’impression d’avoir étudié
pendant toute ma
scolarité Dom Juan , Phèdre et
Médée. Cet
univers poussiéreux est donc important, comme les bancs
d’école qui font du bruit quand on les renverse,
ceux sur
lesquels on est monté quand pour la première
fois, on a
dit un texte théâtral. Les comédiens entrent
dans l’espace et n’en ressortent jamais. Petit
à petit ils forment le Chœur des Autres,
ceux qui vont condamner, ceux qui vont regarder, ceux qui vont
être comme des espèces de fantômes, ceux
qui sont à l’intérieur de soi et qui
nous rongent. La scénographie : quand le rideau tombait, la poussière s’imposait, les bancs s’imposaient. Ce qui paraît comme une provocation, c’est cette façon d’aborder le texte, on a un Dom Juan et un Sganarelle dans un rapport d’âge et de physique inversés. J’avais envie de faire durer ce moment. Quoi que puisse dire Aristote, on sait que c’est dans la bouche de Sganarelle. Il était important d’établir tout de suite ce rapport de pédagogie entre Dom Juan et Sganarelle: Sganarelle dit son texte qui lui a été appris par Dom Juan. C’est une leçon, c’est moi recevant l’enseignement de Dom Juan en tant qu’œuvre écrite. Tout ça pour moi s’imposait, donc ce n’était pas de la provocation, ni les stroboscopes, ni les robes de mariées, ni la couronne d’Elvire. La provocation, c’est une résistance. Je n’ai pas de résistance face au texte. |
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Ce travail visuel est au service du texte qu’on entend extrêmement bien. Par exemple les jeux si signifiants avec le tas de sable qui sert aussi bien à Charlotte pour exprimer son désir qu’à Dom Juan pour humilier le Pauvre. Ces idées définissent-elles une esthétique et une écriture ? | ||
Ca rentre dans une
esthétique. C’est 38 ans
d’éducation artistique, c’est
38 ans d’amour de la peinture et de l’architecture. |
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Comme Molière est un génie, il sait dire tout et son contraire : on a à la fois le portrait fasciné du grand seigneur libertin athée et le procès du « grand seigneur méchant homme ». Dans le texte, on a les deux, et il est impossible de savoir si Molière penche plus pour l’un ou pour l’autre. | |||
Anne Laure Liégeois | J’ai un amour immodéré pour ce texte fort. Tout ce dont je rêvais est là. Quand on commence à travailler on entend les voix des comédiens. Un tel texte est magique. Il y a des brèches partout, on peut s’y engouffrer, on peut être des centaines à le monter, à chaque fois, ce sera quelque chose de différent. | ||
Certains soirs, c’est l’aspect noir de la pièce qui l’emporte, d’autres soirs c’est l’aspect comique. Comment travaillez-vous avec vos acteurs qui s’engagent beaucoup dans ce spectacle ? | |||
Anne Laure Liégeois |
Avec le
théâtre, c’est ça qui est
magique, on est vivant des deux côtés du
quatrième mur, c’est vivant sur la
scène, c’est vivant dans la salle et entre deux
représentations on a déjà vieilli. |
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Interviews
réalisés par Christine Louis et J.-L. L.. vendredi 11 février 2005 |
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Interview express de Christian Caro, acteur |
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L’œil
de Firmin :
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Quel effet cela fait-il de jouer ce Dom Juan dans un registre aussi noir ? Suivant les soirs, la pièce peut-être perçue plutôt tragique ou plutôt comique. | ||
C’est plutôt
agréable et excitant d’aller chercher cette
couleur dans ce texte. Il y a plein d’autres choses
à faire avec ce texte-la, et c’est
intéressant de le creuser.
Selon l’écoute et la composition de la salle, s’il y a plus ou moins de scolaires, les rires sortiront à certains endroits. Inconsciemment on peut être plus ou moins poussé à aller chercher des réactions ; cela dépend aussi de ce que chacun a vécu le jour même ; on arrive chargé de ce qu’on est dans la vie, donc ça tient à très peu de choses pour que ça parte d’un côté ou de l’autre. L’idée était d’arriver à faire ressortir le tragique et le comique en même temps. |
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Critique de Don Juan de MolièreMise
en scène d’Anne-Laure Liégeois
par Eliane Franjou |
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C’était
Dom Juan de Molière, au T.F.G. du 1er au 11
février mise en scène Anne-Laure
Liégeois. «
Quoi de neuf ?
Molière ! » Je sais,
je me répète… (voir
l’œil de Firmin de janvier 2004 à propos
du « Malade Imaginaire ») On
peut effectivement penser que tout a été dit,
joué, écrit sur le personnage de Dom Juan, voire
sur
Molière. Eh bien non ! cette fois encore (340
années
exactement après la première
représentation)
des gens de théâtre : metteurs(es) en
scène,
comédiens, musiciens, - dont la plupart sont intermittents -
nous ont offert, tout en respectant le texte et le propos de
l’auteur, un spectacle original et TRES
dérangeant qui nous amène
à
réfléchir sur la société
d’hier et
d’aujourd’hui, sur les rapports
homme-femme, la
pesanteur de la religion, la domination et l’arrogance des
nantis. Cette pièce a
toujours été mise en scène par des
hommes (à l’exception de Brigitte Jaques qui avait
opté pour une forme plutôt
classique) . En voici donc au T F G une vision
féminine. Anne-Laure Liégeois a voulu un Dom
Juan, (incarné par Christian Caro) ni beau, ni
jeune, ni charmant. Il est même tout le contraire !
Mais il est – comme toujours - gentilhomme,
insolent, amoral et beau-parleur. Cela suffit, hélas, pour
séduire Elvire qui, incapable de supporter la
vérité, s’enfermera dans le mysticisme
ou la folie. Quant à Charlotte qui rêve de quitter
son village et son amoureux maladroit pour devenir
« une dame » ,
c’est bien le gentilhomme qui la séduit et non pas
l’homme, et la scène de
« séduction »
très violente ressemble plus à un viol
qu’à un
« marivaudage » (Oui, je sais,
Marivaux, c’est plus tard !) La mise en
scène dramatise ainsi le propos de
Molière sur la condition des femmes, victimes quelle que
soit leur origine sociale de l’homme tout puissant. Mais cet
homme, Dom Juan, sans cesse à la recherche
d’aventures et de plaisirs nouveaux, ne pourra jamais se
rassasier. Il le sait et plutôt que d’y renoncer,
il choisit de mourir. Alceste, lui, partait « chercher
sur terre un endroit écarté où
d’ être homme d’honneur on ait la liberté », Scapin
demande « qu’on me porte au bout
de la table, en attendant que je meure »
et Georges Dandin : « le
meilleur parti qu’on puisse prendre, c’est
de s’aller jeter dans l’eau, la
tête la première »
Seul Dom Juan va jusqu’au bout. Molière, un auteur
comique ou un auteur
désespéré ? La mise en
scène toute en mouvements et rapidité est
dynamisée entre chaque acte par une musique
« techno » retentissante, pendant
que les comédiens s’agitent comme des marionnettes
dans des flashs lumineux. Peu de décors. Une
grande sobriété pour évoquer le
tombeau du Commandeur. Quelques provocations de la part de la metteur
en scène : par exemple Elvire, dans sa folie
mystique, ébauche signes de croix sur signes de croix
pendant qu’une auréole faite de petites
lumières clignotantes de toutes les couleurs
s’allume au-dessus de sa tête…ou bien
Dom Juan habillé en femme pédalant à
toute vitesse sur un vélo de musculation… Tous les comédiens sont excellents. Citons Mathieu Dion (Pierrot) ; Léonore Chaix (Charlotte)… Olivier Dutilloy (Sganarelle) est vif, jeune et beau garçon. La metteur en scène, par le choix des deux principaux comédiens, a ainsi bouleversé nos habitudes. Et c’est tant mieux. C’est lui, Sganarelle, qui tire la morale – ou plutôt l’amoralité de la fable : « Voilà par sa mort un chacun satisfait : Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. » |
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© ATFG - Amis du Théâtre Firmin Gémier – Mise à jour du 25 novembre 2007 |