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ATFG - AntonyAmis du Théâtre Firmin GémierLa
Vie théâtrale et culturelle en Banlieue
Sud
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Wajdi Mouawad en Banlieue SudNos Regards sur les Pièces et Interventions de Wajdi Mouawad |
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Manifeste
Hommage aux
Théâtres de la Banlieue Sud qui nous ont permis de
découvrir de façon approfondie Wajdi Mouawad, son
oeuvre de dramaturge et de metteur en scène
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Ressources de cette Page
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Texte
initialement
publié dans l'Oeil de Firmin |
Littoral, redécouvert au Théâtre d’Ivry - Janvier 2005 |
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Mort,
vie et souvenirs nous entraînent dans un beau voyage
émotionnel Sur un plateau nu, dégagé de ses entrées de coulisses et simplement planté, au fond, d’un étendage multiple de draps de lin, il nous entraîne et nous embrouille dans son désarroi. Il raconte à un juge invisible comment il a reçu, en pleine nuit et en plein orgasme, le coup de fil qui bouleverse le cours de sa vie. Son père, qu’il n’a jamais connu, vient de mourir au moment le plus inopportun… Comme dans Incendies, la pièce présentée l’an dernier, Wajdi Mouawad nous entraîne dans le tourbillon d’une histoire invraisemblable, poignante, drôle et cruelle, reflet de l’empreinte qu’ont laissé dans son esprit les terribles histoires d’une guerre lointaine, jamais nommée. Il a recours, dans Littoral, à la farce et au conte pour nous raconter le périple de Wilfrid qui cherche, dans ce lointain pays, le lieu idéal pour enterrer le cadavre de son père. Celui-ci, absent toute une vie, devient loquace après sa mort et guide son fils dans sa quête de lui-même et des autres. Wajdi Mouawad confirme sa maîtrise au jeu des émotions, nos émotions. On attend la prochaine pièce avec impatience. Pauline
Léna
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En 2004, Wajdi Mouawad adapte Littoral au cinéma | |||||||||||||||
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Wajdi Mouawad - IncendiesMalakoff - Janvier 2004
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Incendies enregistré à Malakoff par France Culture en 2006 |
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31 mars 2006 - Art (Théâtre) et Science à MalakoffLa Science se livre - Rencontre Etienne Klein et Wajdi Mouawad |
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Etienne Klein : Il était sept fois la révolution ... Albert Einstein et les autres - Flammarion, 2005. |
Invité à rencontrer un
scientifique dans le cadre de
« Livre en Science » au
Théâtre de Malakoff
où ses pièces sont
jouées depuis 1999,
Wajdi Mouwad a désiré inviter le physicien Etienne
Klein
dont il venait de lire un livre de vulgarisation sur la
mécanique quantique. Il était reconnaissant au
scientifique d’avoir été un
médiateur,
grâce à la vulgarisation, entre un «
incompétent » en science (en fait pas si
incompétent que ça) et les révolutions
scientifiques qui ont marqué l’histoire moderne et
qui
semblent encore très loin de la conscience des artistes et
des
écrivains. Le dramaturge s’est
présenté comme un « raconteur
d’histoire » qui cherche à
écrire des
pièces qui tiendraient compte de ces révolutions
«
coperniciennes » : le terre n’est pas au centre du
monde
(Copernic), l’homme est aussi un animal (Darwin), il
n’est
pas non plus un être dirigé par la raison (Freud).
Les
questions qui ont été posées par
l’écrivain au scientifique ont surtout
été
des questions de philosophie sur la compréhension du monde
par
l’être humain. Comment intégrer ces
révolutions et la révolution quantique dans un
récit : en physique classique, un objet écrit une
trajectoire unique. En mécanique quantique un objet explore
toutes les trajectoires possibles, en fonction de
probabilités,
bien sûr ; le « chat de Schrödinger
» peut être
à la fois vivant et mort.
Il est apparu deux positions, à la fois très différentes et complémentaires, qu’on peut tenter de décrire par le « concept de causalité ». Ce concept interdit au temps d’être « cyclique », le temps ne peut pas se reboucler et repasser par le même point : on dit alors que le temps est « linéaire ». Or les conceptions des cultures traditionnelles voyaient le temps comme cyclique, ce qui est rassurant (« si on vit bien », a précisé Etienne Klein qui a l’expérience de l’enseignement en prison). Cette conception cyclique du temps engendre une confusion entre le monde que l’homme voyait cyclique (le jour et la nuit, les saisons, les naissances et les morts) et le temps lui-même. Ce concept de temps cyclique niait le rôle de l’action : l’homme peut agir autant qu’il le veut, il ne changera rien au destin. On arrive alors au concept d’éternel retour chez Nietzsche et à son idée du « surhomme » qui « agit quand même » alors qu’il sait que cela ne servira à rien. C’est la science occidentale qui a imposé l’idée du « temps linéaire » : tout instant nouveau est neuf. Cela donne la liberté, et aussi le sens du progrès. Ce temps linéaire imposé par la physique moderne interdit le voyage dans le temps, alors que ce thème est très apprécié par les spectateurs, pas seulement dans la science-fiction, mais également dans les reconstitutions historiques de la télévision ou du cinéma. Or ce jeu avec le temps est au cœur du théâtre de Wajdi Mouawad. Celui-ci a fait référence à sa future création Forêts qui sera présentée à Malakoff à la rentrée suivante); mais on a déjà une idée des conceptions du dramaturge avec sa précédente pièce, Incendies, vue à Malakoff en 2004 et enregistré pour France Culture sur la même scène fin mars 2006. Car dans cette pièce, « un plus un égal un ». En effet, on y voit une mère, qui refusait de parler depuis plusieurs années avant sa mort, qui a légué à ses deux enfants, des jumeaux, deux lettres à remettre, l’une à leur père, l’autre à leur frère. Or ce père et ce frère, c’est le même homme. Il a donc fallu que le dramaturge « invente une histoire » (puisque c’est en tant qu’ « inventeur d’histoire » que le dramaturge se présente) qui permette cette « opération non classique ». Cette opération impossible donne lieu à un témoignage tragique sur les drames de notre temps : l’écrivain témoigne en fait sur les massacres lors des guerres du Liban. Mais il articule cette histoire dans une narration qui joue avec le temps. Qui joue ou qui le tord. Dans sa mise en scène qui présente sur le même plateau des scènes simultanées : au Québec aujourd’hui et au Liban à droite ; « aujourd’hui à gauche », « il y a vingt ans » à droite ; « une scène paisible » à gauche, « une scène tragique » à droite. Et grâce à l'éblouissante maîtrise de la mise en scène de Wajdi Mouawad, et avec des moyens techniques très simples, le spectateur comprend tout immédiatement. Mais l’auteur-metteur en scène fusionne aussi ces temps et ces espaces et obtient des effets à la fois très beaux et très émouvants. On a envie de dire que Wajdi Mouawad cherche à perturber la causalité et à brouiller le temps. Pour cela il suffit de considérer les chronologies : comment des jeunes gens (les jumeaux) peuvent-ils s’y retrouver dans le temps et les générations ? un frère doit avoir à peu près le même âge qu’eux, et un père au moins vingt ans de plus qu’eux : dans cette histoire il y a vingt ans qui manquent (ou qui sont en trop !) . Comment, par un scénario complexe et une mise en scène tout aussi complexe - elle doit rendre cette histoire parfaitement visible -, arriver à une explication finale qui n’est obtenue qu’après une enquête difficile dans un pays, dans un temps, dans une « Histoire » (avec le grand « H ») et dans une généalogie familiale (c’est l’ « histoire » avec le petit « h ») ? Il y a donc une contradiction à résoudre entre la physique et le physicien qui imposent le principe de causalité, et l’artiste qui - comme beaucoup d’hommes - le refuse. Etienne Klein a parfaitement conscience de ce désir chez les hommes. Comment faire passer la raison dans le « cerveau reptilien » des hommes ? Comment « penser après Auschwitz » ? J.-L. L |
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Willy Protagoras enfermé dans les toilettesIvry
- Avril-Mai 2007
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Tout Mouawad est là, à 18 ou 19 ans. Bien sûr ce n’est pas aussi sublime que Littoral, Incendies ou Forêts. Et puis il semble être sous l’influence du Théâtre de l’Absurde, version « comment s’en débarrasser ? » de Ionesco, ou plutôt des « Bâtisseurs d’Empire » de Boris Vian. Il est jeune : il n’hésite pas à écrire une allégorie scatologique où ses personnages parlent (hélas ! ou hélas ?) le langage réel que parlent nos contemporains (si des spectateurs trouvent que la pièce est trop grossière, qu’ils écoutent le parler réel de leurs proches). Bref, quand il est question de merde, c’est vraiment d'excréments qu’il s’agit, et il est clair que lorsque Flore Lefebvre des Noëtte, dans le rôle de la mère - qui « fait » dans le salon parce que les toilettes ne sont pas disponibles - nous nous rappelons que c’est à elle que Bernard Sobel s’est adressé quand il a eu besoin d’une « mère Ubu » à Gennevilliers : je trouve seulement que (dans cette séquence-là) Magali Léris n’a pas réellement su accompagner par une mise en scène adéquate (en particulier par les lumières) l’extraordinaire numéro d’une actrice très courageuse dans cette séquence hors norme.
Toute la thématique de
Wajdi Mouawad est là : comment parler des guerres
civiles
au Liban sans prononcer
le nom du Liban, sans prononcer le nom des Chrétiens, ni des
Musulmans, ni des
Palestiniens, ni des Syriens ? Pourtant ils sont tous bien
présents dans
cet immeuble où il y a « une famille en
trop » -
famille qui est
accueillie dans le plus bel appartement de l’immeuble, celui
qui a vue sur la
mer et non seulement sur la cour intérieure où
piaillent les voisins - et
qui bientôt
prend trop de place. Elle ne veut plus partir. Elle gêne.
C’est la
crise : certain(e)s s’en vont ailleurs (en
exil ?) ; d’autres
s’enferment dans les toilettes et empêchent la vie
normale de se dérouler.
Alors les voisins - plus ou moins bien intentionnés -
s’en mêlent, d’abord avec
gentillesse, puis avec trop d’empressement, puis
avec perversité. Enfin c’est
la rupture des liens familiaux, chacun cherchant sa solution
personnelle en
s’acoquinant avec un voisin trop malin, le
« notaire » (la
Syrie ?), et tout le processus aboutira à un
paysage dévasté.
La transposition d’une
guerre civile en une dispute-jalousie entre voisins
d’immeuble marche fort bien
(même si on décode facilement
l’allégorie politique) et Wajdi Mouawad a eu des
idées
excellentes pour faire fonctionner cette idée avec ces
voisins/voisines
toujours prêt(e)s à s’exciter, ou avec
ce fils de famille qui sait qu’en s’enfermant
dans les toilettes il va déclencher l’apocalypse.
Cela permet à une troupe -
18 comédiens, 7
acteurs et 11 actrices : on voit rarement une telle troupe sur
nos scènes,
et c’est un plaisir -
de se déchaîner. Bien
sûr, tout n’est pas
égal. Wajdi Mouawad écrit là une
« pièce de jeunesse »
avec sa force, ses
idées, mais aussi ses maladresses et quelques longueurs. La
troupe n’est pas
complètement homogène. Mais Magali
Léris a réellement compris l'art de Wajdi Mouawad. En
particulier elle a montré qu’il suffit de quelques
paravents sur le grand
plateau pour tout suggérer -
ce qui est complètement
fidèle à l’esprit de
l’auteur -,
et qu’il vaut
mieux des acteurs motivés que des décors
compliqués. Certes, elle n’a pas
toujours su accompagner ce texte qui part dans beaucoup de directions,
mais
après une heure et demie de
« bon théâtre »,
elle a réussi une
dernière demi-heure de « grand
théâtre », impressionnant et
émouvant. Nous lui en sommes reconnaissants.
J.-L.
L.
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Malakoff | C'est quoi être communiste ? Malakoff 18 Octobre | ||||||||||||||
Seuls Malakoff Novembre 2008 | |||||||||||||||
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© ATFG - Amis du Théâtre Firmin Gémier – Mise à jour du 13 Janvier 2008 |