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Actualités théâtrales
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Hiver-Printemps
2010
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- Circenses, par le Cirque Ronaldo, espace Cirque d'Antony,
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Littoral de Wajdi Mouawad, Théâtre 71, Malakoff
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Le Bout de la Route, de Jean Giono, mise en scène de François Rancillac, à Châtenay-Malabry
- Les Estivants de Maxime Gorki, mise en scène d'Eric Lacascade, à Sceaux.
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Générations en cavale, de Sylvie Chenus, mise en scène de Mathieu Loiseau, création au Théâtre des Sources, 16 mars 2010.
Les Noces du rétameur et La Fontaine aux saints de J. M. Synge, mise en scène de Guy-Pierre Couleau
- Ciels de
Wajdi Mouawad, aux Ateliers Berthier (théâtre de l'Odéon), avec John Arnold, Stanislas Nordey, Georges Bigot, du 11 mars au 10 avril 2010.
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Albert Gleizes et Moly-Sabata à La Maison des Arts d'Antony du 12 mai au 25
juillet 2010. Avec 30 oeuvres de Gleizes et 15
oeuvres du peintre antonien Jean-Claude Libert qui a rejoint Gleizes en
1952.
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La
Sélection artistique et théâtrale
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Hiver-Printemps 2010
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La
Sélection théâtrale et artistique
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Le Cirque
invisible par Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée, au Théâtre
du Rond-Point, du 23 décembre 2009 au 16 janvier 2010. Virtuosités poétiques et burlesques de
Jean-Baptiste Thierré et Victoria Chaplin.
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La Pierre de
Marius von Mayenbourg, mise en scène de Bernard Sobel, avec Anne
Alvaro, Claire Aveline, Priscilla Bescond, Anne-Lise Heimburger, Edith
Scob, Gaëtan Vassart, au Théâtre National de la Colline du 22 janvier 2010 au 17 février 2010.
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Circenses, par le Cirque Ronaldo, espace Cirque d'Antony, du 12 au 20 février 2010. Où
l'on voit les treize membres d'une vieille famille de gens du cirque
(on en est à la cinquième génération) rendre hommage au cirque tout en
le sabotant subtilement. Car on voit le spectacle "côté spectacle" puis ... "côté coulisses" !
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Le bout de la route de Jean Giono, mise en scène de François Rancillac au Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry, 9 mars 2010.
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Les Estivants de Maxime Gorki, mise en scène d'Eric Lacascade, aux Gémeaux - Scène Nationale de Sceaux du 9 au 21 mars 2010.
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Générations en cavale, de Sylvie Chenus, mise en scène de Mathieu Loiseau, création au Théâtre des Sources, 16 mars 2010.
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J.-C. Libert - Gouache - 1952
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Maison des Arts d'Antony 12 mai - 25
juillet 2010 |
Albert Gleizes & Moly-Sabata
Anne Dangar
Jean-Claude Libert
Robert Pouyaud
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Présentation de l'exposition par Alix Saint-Martin sur le site vallée-culture
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Albert Gleizes et Moly-Sabata à La Maison des Arts d'Antony du 12 mai au 25
juillet 2010. Grande exposition sur un peintre majeur du
post-cubisme et la communauté d'artistes créée à Moly-Sabata.
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Albert Gleizes
&
Moly-Sabata
Anne Dangar
Jean-Claude Libert
Robert Pouyaud
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Avec 30 peintures et oeuvres sur papiers d'Albert Gleizes et 15
oeuvres, gouaches et huiles, du peintre antonien Jean-Claude Libert qui a rejoint Gleizes en
1952. |
Notre dossier
1952-1955
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Théâtre Firmin Gémier
Antony - 16-28 mars
2010 |
Les Noces du rétameur et La Fontaine aux saints de J. M. Synge, m. e. s. de G. P. Couleau |
John Millington Synge
Texte français :
Françoise Morvan
Mise en scène
Guy Pierre Couleau
Collaborateur artistique à la mise en scène Guillaume Clayssen
Scénographie Raymond Sarti
Costumes Laurianne Scimemi
Lumières Laurent Schneegans
* Production Comédie de l'Est-Centre dramatique régional d'Alasace – Colma
* Coproduction Théâtre Firmin Gémier/La Piscine, Antony et Chatenay- Malabry.
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Les Noces du rétameur et La Fontaine aux saints,
deux pièces de John Millington Synge, mise en scène de Guy-PIerre
Couleau. Co-production du Théâtre Firmin Gémier - Antony - 16-28 mars
2010.
Nous attendions beaucoup de cette création de Guy-Pierre Couleau, dont les Antoniens ont tant apprécié sa vision de Rêves de Wajdi Mouawad en 2005 et l'opéra Vespetta et Pimpinone en 2007, et nous avons fait de passionnantes découvertes.
Interprètes
Les Noces du rétameur (1908)
Xavier Chevereau, Pascal Durozier, Flore Lefebvre des Noëttes, Carolina Pecheny
La Fontaine aux saints (1905)
Philippe Mercier, Flore Lefebvre des Noëttes, Xavier Chevereau, Pascal Durozier, Anne Mauberret, Carolina Pecheny, Jérémie Reecht.
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John Millington Synge (1871-1909) est un auteur dont une pièce est régulièrement jouée, Le Baladin du monde occidental
(1907), mais il reste peu connu chez nous. Aussi la création à Colmar puis à Antony de deux
autres pièces de Synge a été une totale découverte. Cet Irlandais, né dans une famille protestante, rompit avec sa religion
d'origine, voyagea en Allemagne (pour la musique), en Italie et en
France où il fit des études (en particulier sur la culture celtique) et
où il rencontra l'écrivain irlandais William Butler Yeats. Synge décida de
retourner séjourner en Irlande. Il fit plusieurs séjours dans les îles d'Aran.
Ces îles sont aujourd'hui célèbres chez les artistes pour sa société et ses paysages
exceptionnels : le cinéaste Robert Flaherty a réalisé un classique du
documentaire, L'Homme d'Aran (1934), Gilbert Bécaud a composé L'Opéra d'Aran. Dans son pays d'origine, et principalement, dans les îles d'Aran, Synge
a été frappé par le dynamisme d'une population souvent très
pauvre, par sa langue (le gaélique), par le rôle du catholicime et par
les souvenirs des traditions païennes, celtiques. Ses pièces ont servi de répertoire de base au Théâtre de l'Abbaye
de Dublin, haut lieu de la création artistique moderne irlandaise. Mais
son théâtre, souvent violent et sans concession, a fait scandale dans
son pays (émeutes provoquées par Le Baladin). Il a été publié et connu assez tôt en France (Lugné-Poë a joué Le Baladin en 1913). Le Baladin aurait influencé le Giono du Bout de la route, joué récemment à La Piscine : l'arrivée d'un
personnage étranger perturbe une communauté de gens du peuple. Une
tragédie peut alors se déployer. La tragédie concernait les dieux et
les héros, les rois et les aristocrates (ou à la rigueur, la
grande bourgeoisie). Les gens du peuple n'avaient droit qu'à des
"témoignages" ou à des "faits de société" (c'est-à-dire à
des mélodrames pleins de clichés). Une révolution littéraire a eu
lieu.
Guy-Pierre Couleau dit volontiers que sa vocation de metteur en scène
est née de la lecture du théâtre de Synge. Il a monté Le Baladin
il y a plus de dix ans. Il y voit un "Théâtre de la différence".
Dans Les Noces du rétameur, le "lever de rideau" de la soirée, apparaît le monde des "rétameurs", cette population nomade,
marginale qui vit du travail de l'étain, de mendicité et de rapines.
Dans La Fontaine aux saints, la pièce principale, c'est le
monde des aveugles mendiants. On peut voir en Synge le
maître de Beckett
(qui l'a nommé comme le seul auteur qui a pu l'influencer). En
effet,
ne dit-on pas de Beckett qu'il a inventé un "genre", avec ses dialogues
qui sous-entendent un discours philosophique et métaphysique, dialogues proférés par des clochards ? (Peut-on aussi remonter au Neveu de Rameau de Diderot, avec son héros discoureur, fils de famille devenu S.D. F. ?) Or c'est bien ce "type" que Synge fait vivre dans ces deux pièces : des pauvres et des mendiants qui ne sont pas bons et qui choisissent de vivre en opposition avec la société dominante.
Dans ces sociétés du "lumpenproletariat", les
pulsions (l'alcool, le sexe) sont dominantes ; on ne pense pas à
un avenir plus lointain que les heures qui
viennent et seul compte le moment où l'on va chercher à se procurer une bouteille d'alcool ;
et on
ne se marie pas. Dans ces pièces sur un pays
très dominé par le catholicisme, nous sommes frappés par les discours violemment athées de ces mendiants. Ils refusent de voir la beauté du monde créé (l'auteur,
qui a rompu avec le protestantisme, est resté marqué par une vision
puritaine du monde). En mettant en scène un auteur comme Synge,
Guy-Pierre Couleau met à l'honneur un répertoire de
"classiques modernes", répertoire dont nous regrettons souvent le peu
de présence sur nos scènes. |
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(C) JLL
Guy-Pierre Couleau
Hall d'entrée du Théâtre Firmin Gémier
17 Mars 2010 | Guy-Pierre Couleau a magnifiquement mis en scène les pièces de Synge : choix d'un décor en escaliers ondulants (de Raymond Sarti) qui permet de jouer avec l'espace, utilisation puissante des éclairages (de Laurent Scheegans).
Le metteur en scène bénéficie grandement du travail de sa troupe, avec
ses comédiens très aguerris. Nous ne présenterons pas Flore Lefebvre des Noëttes
— que nous connaissons depuis longtemps – qui est totalement à l'aise
dans ses rôles de "femmes monstrueuses" à qui elle donne une grande
présence et beaucoup de poésie. Dans La Fontaine des saints, Philippe Mercier,
en aveugle mal-pensant, lui donne une réplique furieuse très
impressionnante. Face à ces "monstres sacrés", la jeune génération fait
mieux que de la présence. Dans Les Noces du rétameur, Xavier Chevereau et Carolina Pecheny créent un couple de jeunes rétameurs oscillant entre désir (ou acceptation) de respectabilité et révolte violente. Dans La Fontaine aux saints, Pascal Durozier et Anne Mauberet
arrivent à s'affronter avec vigueur au dangereux couple d'aveugles qui refuse le
jeu social. Face à des rôles difficiles à rendre aimables, Pascal Durozier, en
prêtre abusif, puis Xavier Chevereau, en "saint charismatique", sont
tout aussi à la hauteur. Oui, une passionnante et belle soirée. J.-L. Lambert 18 mars 2010 Remerciements à Guy-Pierre Couleau qui nous a accordé un entretien amical le 17 mars après le spectacle.
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Théâtre des Sources
Fontenay-aux-Roses
16 mars 2010
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Générations en cavale de Sylvie Chenus, m. e. s. de Mathieu Loiseau
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Création
Compagnie
La Jacqueline
Texte
Sylvie Chenus
Mise en scène
Mathieu Loiseau
Avec :
Agnès Proust,
Pauline Laidet
Claudine Baschet
Scénographie et
Lumières
Michel Gueldry
Images
Denis Verdier
Costumes
Nadia Léon
Création sonore
Alain Lithaud |
Il y a actuellement un
renouveau de la mise en scène de théâtre qui passe par l'utilisation
des nouvelles technologies, des effets visuels et sonores, de
la vidéo. Est-ce absolument nécessaire ? Est-ce la remise au goût du
jour des célèbres "défilés de chevaux" du Châtelet de l'avant-dernier
siècle, ou de la machinerie du théâtre de l'ère classique, avec ses
"deus ex machina" qui descendaient du ciel à grand renfort de feux
d'artifices, ou de ces défilés de chars avec machineries compliquées lors des grandes
fêtes du XVIIIe siècle où il fallait montrer au peuple où passait
l'argent de ses impôts payés aux classes dominantes ? Nous connaissons
quelques grands metteurs en scène qui savent utiliser avec brio les
grands moyens techniques modernes (Robert Lepage, Lee Breuer, Stéphane Brauschweig, André Ligeon-Ligeonnet,
celui-ci trop peu connu). Nous en connaissons d'autres (que nous
ne nommerons pas) qui montrent que richesse technique peut rimer avec
manque d'idées artistiques et vacuité de la pensée. En outre, certains
grands metteurs en scène nous avaient également convaincus que la
simplicité matérielle de leur mise en scène allait de pair avec une
extraordinaire inventivité artistique (Deborah Warner à ses débuts)
On se pose alors plusieurs questions. La première qui vient immédiatement à
l'esprit : que devient l'humain dans cette aventure ? Et cela au moment
où le cinéma nous abreuve d'images numériques : pourra-t-on se passer
d'acteurs ?
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La réponse à la première réponse est simple : Lepage et Ligeon-Ligeonnet sont
eux-mêmes les acteurs de leurs propres spectacles. Brauschweig et
Breuer sont de grands "directeurs d'acteurs".
Mais la deuxième question est
concrète : nous savons que les moyens financiers des théâtres sont bien
limités, et à part ceux qui travaillent avec les grosses institutions
bien dotées, quels metteurs en scène auront les moyens de monter des
pièces où une "technique lourde" sera partie prenante de leurs projets artistiques
? On a peut-être eu une remarquable réponse le 16 mars 2010 à Fontenay-aux-Roses
: on a vu qu'avec des moyens techniques — efficaces mais matériellement simples — il est possible de réussir un projet
théâtral complexe, alliant jeu d'acteurs, images et sons.
Sylvie Chenus a écrit un
texte sensible sur les relations mère-fille, texte qui s'étend sur
quatre générations. Il est fait appel à trois actrices (jouant, ou
suggérant, quatre rôles) pour parler de l'amour entre ces générations,
mais aussi du difficile accès à la liberté individuelle d'une "fille
obéissante" qui a eu une "mère forte". Pour se glisser dans cet
espace-temps subtil qui nous fait effectuer des va-et-vient dans le
temps, l'espace, le réel et l'imaginaire, le metteur en scène Mathieu Loiseau a eu recours à un espace scénique séparé par un écran.
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Sur cet écran, des images (par Denis Verdier) sont projetées. Autour de cet écran un espace lumineux (par Michel Gueldry) et un espace sonore (par Alain Lithaud) sont créés. Devant cet écran, une scénographie est suspendue (par Michel Gueldry). De part et d'autre de cet écran, trois actrices (Agnès Proust la mère, Pauline Laidet, la fille qui alterne entre deux gérération, Claudine Baschet
qui a l'âge de la grand-mère) jouent soit devant, soit derrière,
soit — comme Alice —, "traversent le miroir", car c'est de fugues qu'il
s'agit.
Photo : Denis Verdier
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La technique — au total simple à réaliser sur le plan matériel et sans
doute peu coûteuse en moyens matériels, mais riche en inventivités artistiques ! — est mise
au service d'une expérience humaine authentique et émouvante. Une très prometteuse expérience
théâtrale.
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Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry
9 mars 2010 |
Les Estivants de Maxime Gorki, mise en scène d'Eric Lacascade
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Pièce de
Maxime Gorki
Montée par
Eric Lacascade
Avec
Millaray Lobos Garcia , Elisabetta Pogliani , Christophe Grégoire ,
Jean Boissery ,
Daria Lippi ,
Eric Lacascade ,
Christelle Legroux ,
Jérôme Bidaux ,
Alain d'Haeyer,
Stéphane Jais,
Arnaud Chéron
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Mardi, nous avons vu Les Estivants de
Gorki, pièce dans
laquelle l'auteur démontre encore une fois que la révolution est due à la
décadence de la société et surtout de" l'intellighentsia" bourgeoise :
une mise en scène efficace qui souligne les caractères des
personnages-types et assure un déroulement de l'intrigue parfaitement
orchestré : de l'arrivée progressive et de l'installation de chaque
groupe d' estivants dans sa résidence jusqu'à son départ, son retour
en ville et aux affaires. C'est l'occasion pour l'auteur de mettre à
nu la personnalité jusque là bridée par les conventions sociales de
chacun des personnages. Ils évoluent autour, dans et même sur ce qui
représente des datchas : des cubes ( séparés, regroupés, liés) à
transformations multiples et dont le metteur en scène tire les
meilleurs effets, faisant disparaître, surgir, passer de l'un à l'autre
des comédiens animés par la volonté de donner vie à cette réunion de
bourgeois.
Le défaut qui est souvent afférent à ce genre de théâtre ? Quelques
lourdeurs et longueurs dans la "démonstration".
Serge Herry
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Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry
9 mars 2010
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Le Bout de la route de Jean Giono, mise en scène de François Rancillac
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Le Bout de la route
de Jean Giono
Mise en scène
François Rancillac
collaboration à la dramaturgie :
Frédéric Révérend
scénographie :
Jacques Mollon
costumes :
Ouria Dahmani-Khouhli
lumière :
Cyrille Chabert
son :
Daniel Cerisier, Fabrice Drevet
avec :
Éric Challier (Jean)
Charlotte Duran (Mariette)
Jean-Pierre Laurent (Barnabé)
Tommy Luminet (Albert)
Anita Plessner (La Grand-Mère)
Tiphaine Rabaud-Fournier (Mina)
Emmanuèle Stochl
(Mariette)
Coproduction : La Comédie de Saint-Étienne/Théâtre de l’Aquarium – Paris /Le Fanal – Scène nationale de Saint-Nazaire
En février 2002, après Le Pays lointain, et au moment où il préparait La Folle de Chaillot
de Giraudoux, François Rancillac avait accepté l'invitation des "ATFG"
à un débat public à Antony, salle François Molé, pour parler d'un
"Théâtre de résistance".
Photo - MCH
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Giono-Rancillac, une rencontre inattendue, et pourtant, logique.
Jean Giono est aujourd'hui l'un des romanciers du vingtième siècle les
plus lus, les plus commentés (Proust et Céline ayant épuisé des
générations de chercheurs, c'est Giono qui est l'auteur français du XXe
siècle sur lequel on écrit le plus de thèses de doctorat). Mais il n'y
a pas que les universitaires qui l'étudient. De jeunes romanciers (tel
Philippe Claudel) s'en réclament publiquement. Cette pièce Le Bout de la route,
a été jouée en 1941 (avec Alain Cuny), publiée en 1943, adaptée au cinéma en 1949 (par
Emile Cousinet). Inutile de préciser que, malgré sa publication dans la
collection Folio, elle est
totalement inconnue du public. Ecrite pendant les années trente, c'est
une oeuvre contemporaine des célèbres "récits paysans" de Giono (Regain, Solitude de la pitié, Le grand Troupeau). Aujourd'hui, les lecteurs modernes admirent surtout ses "chroniques romanesques" écrites après la seconde guerre mondiale : Le Hussard sur le Toit, Un roi sans divertissement.
Pourtant, cette pièce (peut-être de 1931) semble annoncer un des thèmes
les plus puissants du romancier. Qu'on songe à Langlois, le
héros-policier du Roi sans Divertissement
(1946) qui arrive dans un village épouvanté par des crimes
incompréhensibles perpétrés par un assassin invisible. Langlois vient
ramener l'ordre. C'est son but, et il le réalisera. Mais il transporte aussi avec lui un cruel mal de vivre. C'est donc un thème analogue que l'on trouvait déjà dans Le Bout de la route
: Jean, un homme seul, étranger, sans argent, et sans amour, arrive
dans un village isolé de la Haute Provence où vit une famille ravagée
par la brusque mort du père, puis par celle de sa soeur. L'étranger
séduit tout le monde, la grand-mère désespérée, la mère "sauvage"
Rosine, la fille Mina, et Barnabé l'amoureux de celle-ci. Jean est bon,
et lui, le conteur et chanteur, se fait l'homme à tout faire dans cette
ferme qui revit. Il "aime beaucoup" tout le monde, mais il vit toujours
dans le souvenir de la femme qui l'a quitté pour un autre, et qu'il ne
peut cesser d'aimer. Jean amène la vie dans ce hameau en deuil, mais il
amène aussi sa tragédie personnelle.
Éric Challier
(Jean)
Jean-Pierre Laurent (Barnabé)
Tiphaine Rabaud-Fournier (Mina)
Photo (C) Régis Nardoux |
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François Rancillac a déjà une carrière importante
derrière lui : au début des années 90, il a été le directeur artistique
du Théâtre du Peuple de Bussang ; il a été (ou il est toujours)
co-directeur de la Comédie de Saint-Etienne ; il est maintenant
directeur du Théâtre de l'Aquarium à
la Cartoucherie de Vincennes. Pour les spectateurs, il est surtout un
metteur en scène inspiré, dont nous avons beaucoup aimé un Aiglon (à Bussang) et un Georges Dandin (1997, au TEP et à Malakoff). Rancillac a aussi mis en scène Giraudoux (Ondine, La Folle de Chaillot). Nous lui devons la découverte d'un chef d'oeuvre de Jean-Luc Lagarce, Le Pays Lointain
(au Théâtre de la Tempête) : sa mise en scène a beaucoup fait pour la
réputation du dramaturge (mort trop tôt, en 1995, à 38 ans). Or que
raconte cette pièce ? Le retour d'un fils dans sa famille, et
l'explosion d'émotions qui a suivi. Rancillac a aussi créé Retour à la Citadelle
de Lagarce (1990 et 2007), qui, comme son titre l'indique, est
l'histoire du retour d'un fils dans sa ville ; mais cette fois-ci,
c'est une pièce satirique. Un homme seul qui pénètre dans un milieu fermé et qui le transforme pas sa seule présence, voilà peut-être le thème qui a retenu Rancillac dans la pièce inconnue de Giono.
Il est très important que des metteurs en scène comme François Rancillac présentent des "classiques modernes",
car l'on manque actuellement cruellement d'un répertoire dans ce
domaine. Entre les "grands classiques" que l'on remet perpétuellement
en scène (pourquoi autant de "Maisons de Poupée" cette saison-ci ? par
manque d'imagination des metteurs en scène ?), et des "créations
contemporaines" sans lendemain, il faut faire vivre un "répertoire
moderne". Peut-on dire que cette pièce de Giono est "un chef-d'oeuvre",
peut-être pas. Mais loin du "folklore provençal" où l'on a souvent cru
voir Giono, sa pièce est une tragédie chez les hommes et les femmes du
commun. Une expérience de la dépression et de la folie, traitée non pas
comme un "fait divers" (la plaie de l'écriture actuelle !), mais en
tragédie. Disons que ce Bout de la route
est une "bonne pièce". Mais la mise en scène de François Rancillac est
exceptionnelle : l'image est d 'une rare beauté. Rien n'y est réaliste.
Mais on sent l'ambiance d'un pays rude (les montagnes de Haute
Provence), où peuvent se rencontrer la mort et l'amour, la joie de
vivre et la folie. Les acteurs, Eric Challier en tout premier lieu, ont
su donner à leurs personnages tout le poids nécessaire. Mais
il est sûr que c'est par la force visuelle du lieu créé par François
Rancillac qu'on voit (qu'on vit) le drame intime de ces êtres victimes
de leurs sentiments. Comment décrire un décor-mur qui peut être
aussi bien noir strié (comme un tableau de Soulages) que doré ? qui peut
barrer le paysage, ou créer un lieu intime où bavarder, mais où se
révèlent des sentiments ravageurs ? On a rarement montré avec une telle
force l'intériorité des personnages par la vision de l'extériorité où
ils vivent !
J.-L. Lambert
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Théâtre 71
Malakoff
20 janvier-27 février 2010
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Littoral, de Wajdi Mouwad
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Nous avons revu avec plaisir et émotion la
célèbre pièce de Wajdi Mouawad,
découverte en 1999 à Malakoff dans une première mise en scène de
l'auteur.
L'auteur-metteur en scène la reprend dans une nouvelle réalisation
conçue pour le festival d'Avignon (juillet 2009) où Wajdi Mouawad était
artiste invité. Ceux qui avaient vu son précédent one man show, Seul,
ont retrouvé le goût actuel de l'auteur pour les recherches plastiques.
Mais ces recherches sont toujours au service d'un travail sur la place
de l'humain au milieu des tragédies de l'Histoire (pour Mouawad, les
guerres fratricides au Liban). La pièce avait été reprise en 2005 par Magali Léris : l'auteur avait alors été lauréat du Molière du meilleur auteur francophone (prix qu'il avait refusé). |
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Espace Cirque d'Antony, du 12 au 20 février 2010 |
Circenses par le Cirque Ronaldo |
Sur la piste
Karel Creemers (garçon de piste)
Kimi Hartmann (fildefériste)
Nico Heremans (technicien)
Nathalie Kuik (lanceuse de couteaux)
Miguel Lo Mastro (garçon de piste)
Rachel Ponsonby (musicienne)
Danny Ronaldo (clown)
David Ronaldo (directeur)
Johnny Ronaldo (vieux cow-boy)
Maria Ronaldo (la maman)
Nanosh Ronaldo (jongleur)
Pepijn Ronaldo (clown)
David Van Keer (chef d’orchestre)
Composition musicale
David Van Keer
Encadrement
Peter Borfhs
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Côté spectacle,
c'est un peu "Les Clowns" de Fellini : de la musique et des numéros où
l'on joue avec vos nerfs : les spectateurs du premier rang vont-ils
recevoir un seau d'eau sur la tête ? Une très jolie jeune fildeferiste
blonde avance sur son fil à l'aide (enfin, si l'on peut dire ...) d'une roue de bicyclette. Un clown
n'arrive pas à avancer sur le fil, car il écrase avec son talon le
bout de sa trop grande chaussure, et il est coincé. Une lanceuse de couteaux fait
semblant d'envoyer ses outils pointus (et quelques haches ...) autour
d'un mannequin trop maigre, ou d'un autre trop gros : en fait, c'est le machiniste
qui vient installer le matériel qui est sa vraie cible ! Cette femme
sadique est aussi masochiste : elle monte pieds nus sur une échelle où les barreaux
sont des épées dont elle a prouvé le tranchant en y découpant ... un
concombre ! Apothéose finale, le clown et la fildeferiste se perdent
dans un lustre trop haut placé pour qu'ils puissent en redescendre :
comment feront-ils pour en partir ? Par le ciel ? |
Côté spectacle ou côté coulisses
? De toute façon, on ne choisit pas : c'est la couleur d'un ticket qui
décide de quel côté vous verrez d'abord le spectacle.
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Depuis 1857 (dit
la légende familiale flamande), le cirque Ronaldo mélange acrobatie et théâtre. |
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Et après l'entracte, côté coulisses
: là, tout se déglingue. Les artistes cherchent à s'entretuer. Ils
essaient de mettre au point un spectacle de magie qui n'arrivera jamais
à être présenté côté spectacle : hilarante scène de réanimation d'un
lapin en peluche qui ne sortira jamais du chapeau de son
prestigiditateur. Un adolescent-apprenti sorcier met le feu au rideau
de scène. Tous les "trucs" des magiciens sont éventés avec une
maladresse pleine de virtuosité. Et tout se déglingue, tout se
déglingue ... pour le plus grand plaisir des spectateurs ! Gros succès.
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ATFG - Amis du
Théâtre Firmin Gémier – Mise
à jour
du 30 avril 2010
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